Je me lève. Aïe. Ce matin, c’est dur. Beaucoup plus qu’hier. Je sens que ça va être un jour sans. Que je ne vais pas pouvoir faire grand chose ou, si j’ai assez de force mentale aujourd’hui, que je vais devoir encore lutter contre la douleur déjà bien vive pour pouvoir être active… Mais je vous avoue que j’ai des doutes, là.
Un handicap invisible mais des douleurs bien réelles
Parfois, je sature. Je trouve le monde injuste. J’ai mal, mais ça ne se voit pas. Je laisse donc passer les femmes enceintes avant moi en caisse. J’acquiesce avec le sourire à leur demande et je souffre en silence. Dans le tram, je prie à chaque fois pour avoir une place assise… Même si je sais que je ne pourrai pas la garder bien longtemps car une personne âgée viendra tôt ou tard me demander de la lui céder. Là encore, je m’exécute poliment. Pire, il m’arrive parfois de proposer moi-même ma place quand je vois une personne d’un certain âge rentrer dans le tram… Plus pour le qu’en dira-t-on (« Comment ? Une jeune qui reste assise alors qu’il y a une vieille dame debout ?!? ») que pour le confort de la personne, qui, après tout, ne souffre peut-être pas autant que moi de la position debout.
La souffrance n’a pas d’âge. La preuve en est que j’ai de fortes douleurs aux pieds, comme si un étau les compressait en permanence, depuis mes 28 ans, soit près de 8 ans. Et quand je rentre dans le tram et que je vois qu’il n’y a pas de place assise, je reste debout et gère la douleur comme je le peux, en m’appuyant contre une barre, en gigotant sans cesse, basculant sur un pied, puis sur l’autre. Mais je n’ose jamais demander à quelqu’un de me céder sa place, ne sachant comment lui expliquer la raison de ma demande, étant donné que mon handicap ne se voit pas. C’est ce qui est peut-être le plus dur au final : l’invisibilité du handicap, de toute cette souffrance quotidienne.
Recalée !
Le couperet a été quand j’ai rempli tout un dossier pour tenter d’obtenir, même pas une allocation, mais simplement une carte qui me permettrait de passer en priorité aux caisses, de ne pas faire la queue dans les lieux publics et de pouvoir m’assoir dans les transports en commun : demande refusée ! Je m’y attendais. Mais j’avais malgré tout une lueur d’espoir.
En même temps, je comprends : comment peut-on attribuer une telle carte quand aucun examen ne montre quoi que ce soit d’anormal ? Quand aucun docteur n’est en mesure de poser un diagnostic fiable ? Quand j’arrive à marcher et à rester gaie malgré les douleurs ? (Bon, ceci étant, je n’ai reçu aucune convocation du centre en charge de la validation des dossiers pour une auscultation. Tout s’est fait uniquement sur dossier écrit… 😑). Parfois, je me dis que si j’avais des béquilles ou que j’étais en fauteuil roulant, je serais plus crédible. On verrait alors qu’il y a quelque chose qui cloche. Je n’aurais plus l’impression de passer pour une impostrice, ni de devoir sans cesse me justifier pour légitimer mes agissements.
Une fatigue physique et morale
En toute sincérité, il y a des moments où je suis épuisée de sans cesse lutter pour mener une vie normale, avec des activités, des loisirs. Rien que les tâches quotidiennes telles que faire les courses, la cuisine, le ménage, me brosser les dents, me pèsent (je me brosse les dents assise sur le rebord de la baignoire). Alors je vous laisse imaginer si à cela s’ajoutent des activités « plaisir », qui passent pour le coup au second plan : d’abord les « obligations », après, on verra si on ne souffre pas trop pour le reste.
Tout cela est fatigant, moralement et physiquement. D’autant que, même au repos, c’est-à-dire assise ou allongée, quand je n’ai donc pas tout le poids de mon corps sur mes pieds, ces derniers continuent de me lancer. Quand la douleur vous pompe toute votre énergie, parce que cela vous demande beaucoup d’effort pour la supporter au quotidien, eh bien, vous êtes la plupart du temps plus fatiguée que la norme.
Ma tête aimerait pourtant faire des tas de choses mais mon corps ne suit pas. J’ai des envies, mais je dois prioriser et choisir des activités au détriment d’autres. J’aimerais faire plus d’activités détente, m’amuser, sortir randonner, faire du sport, rendre visite à des amies… Mais mon état ne me permet pas de gérer – sans conséquence néfaste – à la fois les priorités du quotidien, et les activités « accessoires », pourtant essentielles au bien-être et à l’épanouissement personnel.
Être comme tout le monde
Pour une fois, j’aimerais être comme tout le monde. Mais la plupart du temps, je ne peux pas, ce qui crée frustration et isolement. Du coup, malgré les douleurs, j’essaie souvent de faire exactement comme les autres ou presque. Pour me sentir normale, pour ne pas laisser la douleur m’exclure de la société. Mais cela me coûte énormément, même si je le montre peu. Quand je dis aux gens que là, j’ai très mal, que c’est un calvaire, que je dois m’assoir, je suis bien en deçà de la réalité. Et ça fait généralement un bon moment déjà que je souffre sans rien dire.
Une éclaircie en été…
Mon seul répit, c’est l’été, la chaleur atténuant les douleurs. Généralement en cette période, je ne souffre quasiment plus, du moins très peu comparativement aux autres saisons. Répit de courte durée, mais salutaire, car il me permet de supporter le reste de l’année. Je peux vous dire que là, j’ai vraiment, vraiment envie que l’été arrive ! ^^ (MàJ 2024 : le répit se fait de moins en moins sentir, je ne sais plus ce que c’est de ne « quasiment plus » souffrir 😣)
… Pour des mois de lutte quotidienne
Des mois et des mois sans relâche. Je me couche le soir avec la douleur, je me lève le matin avec la douleur. Je me demande si un jour ça va s’arrêter. Je désespère et perd le moral parfois, car j’ai l’impression qu’au contraire, les douleurs se font plus vives et durent plus longtemps qu’avant. Mais je garde malgré tout toujours une lueur d’espoir. Cette lueur cruciale, qui me fait tenir et garder le sourire.
Mon quotidien est ainsi une perpétuelle lutte contre la douleur. Une lutte pour rester optimiste, positive. Pour continuer d’avancer (dans tous les sens du terme), me disant qu’un jour ça ira forcément mieux. Et je me dis toujours qu’il y a des personnes dans des situations bien pires que la mienne. J’essaie de relativiser. Je sais bien, au fond, que le sort ne s’acharne pas spécifiquement sur moi, que je ne suis pas la plus à plaindre. C’est juste que parfois, je sature, et il faut alors que ça sorte… Parce que les mots soulagent les maux.
Bonjour Stéphanie. Je n'imaginais pas que tes douleurs étaient permanentes. C'est certain qu'avec ta vivacité d'esprit qui transparaît dans tes billets, cela doit être très dur pour toi. Et pourtant tu en fais des choses pour toi, pour les autres. Ça me rend encore plus admirative. Quant à ton quotidien, tu devrais peut-être oser demander à ce qu'on te laisse une place assise sans pour autant expliquer : le qu'en dira-t-on ne doit pas être un problème et en plus tu as ta conscience pour toi. Garde espoir et que l'été arrive vite !
Merci pour ton message Isabelle ! Et, oui, mes douleurs sont en continu la plupart du temps. L'été… ça aurait déjà été bien d'avoir un printemps, mais cette année, il a décidé de ne pas se montrer sur la Côte d'Azur ! ^^
Oh ma poulette, moi on plus je ne pensais pas que c'était à ce point (j'ai honte du coup…) ! En voie moi un petit message si tu veux parler, et on peut venir passer un peu de temps avec toi 😉
Et oui… Comme beaucoup de monde… C'est drôle, parce que j'en parle pas mal, mais j'ai l'impression qu'à l'oral ça a moins d'impact qu'à l'écrit, c'est fou… Après, je ne dis pas ça pour toi, on ne se voit pas souvent et donc on ne parle pas souvent de cela… Et puis, j'ai pas forcément envie non plus de me lamenter le peu que l'on se voit et vous avez déjà bien assez de vos soucis 😉 Mais j'ai remarqué que c'était le cas avec les gens de mon entourage que je vois régulièrement. J'ai beau leur expliquer que j'ai mal quasi tout le temps, quand je les revois une semaine plus tard et que je dis que j'ai mal, ils me disent : "Ah bon ? Encore ?" lol Je pense que pour ceux qui ne le vivent pas, c'est dur de s'imaginer ce que c'est… Mais t'inquiète, comme je le dis toujours, je garde le moral : bon, je râle un peu quand ça va vraiment pas, je grogne et tout, mais sinon, je reste gaie comme un pinson le reste du temps 😉
Mais ….. question idiote probablement . tu en as parlé à ton médecin? ce n'est pas possible à ton age de telle douleur !
Bonjour, quand je lis votre article je n'ose pas imaginer ce que vous ressentez. Vous me faites penser à une amie qui souffrait et qui souffre tous les jours même après avoir mit un nom sur sa maladie. Cela à durée longtemps avant de trouver de quoi elle souffrait et c'est ça que je trouve le plus terrible pour des personnes comme vous c'est de trouver le mal qui vous tenaille, même si comme mon amie elle à son traitement mais savoir ce que l'on à est un tout petit plus. Il y a tant de maladie sournoise et si difficile à diagnostiqué. Franchement j'avais presque envie d'envoyer votre texte à l'émission de "Allo docteurs" pour voir si il ne pourrait pas vous aider. Car dans certaines pathologies il y a après des associations avec des forums qui aident bien. Mon amie au faite c'est la spondylarthrite ankylosante. Sincèrement je vous souhaite que l'on trouve très rapidement ce que vous avez car cela ne se voit pas comme vous dites mais la souffrance est là. Bon courage et surtout je vous souhaite que l'on trouve très vite votre mal.
Bien sûr Annie, j'ai vu des tas de médecins et autres personnes moins conventionnelles !
Bonjour Adisson, merci pour votre gentil message. Oui, la spondylarthrite ankylosante a été vaguement évoquée pour moi aussi, mais ce n'est apparemment pas ça. Aujourd'hui, deux diagnostics, qui s'entremêlent : le médecin qui me suit depuis un an et demi pensent que c'est un symptôme de la maladie de Behçet, maladie génétique dont est atteint mon père (tandis que d'autres médecins me disent que je n'ai pas assez de symptômes pour avoir contracté la maladie, mais je suis bien porteuse du gène), et la dernière podologue que j'ai vu me certifie que j'ai bien des tendinites (comme on me l'avait diagnostiqué au tout début des douleurs)mais que si elles durent ainsi, qu'on n'arrive pas à les soigner, c'est qu'il y a bien le côté génétique qui est là aussi, qui accentue le truc… Alors oui, moi aussi, je voulais mettre un nom sur ce mal, je me disais que si on savait ce que c'était, on pourrait être en mesure de me soigner, ou du moins de me soulager, correctement. Aujourd'hui, tant pis si je ne peux le nommer, je veux juste un peu de répit, des douleurs moins fortes et plus espacées dans le temps (car là c'est tous les jours non stop depuis des mois et des mois et des mois), trouver un remède miracle pour aller mieux, sans forcément guérir, juste pouvoir faire des activités sans souffrir, et être ainsi plus détendue.
Je ne dirais pas que je comprends, car peut-on vraiment comprendre la douleur ? mais en tout cas, j'ai été touchée par tes mots. Souffrant de douleurs et de fatigue chronique, je ne connais que trop bien ce sentiment de saturation et d'injustice. Alors je ne peux que compatir. Je dirais toutefois, que pour ce qui est des places dans les transports en commun ou autre, même si c'est difficile, il ne faut pas hésiter à s'imposer. Ce n'est pas parce que notre hanidicap est invisible et qu'il n'est pas "officiellement" reconnu qu'il n'existe pas. J'espère de tout coeur que tu réussira à trouver ce qui te cause de telles souffrances et des moyens de la soulager. Je suis de tout coeur avec toi.
Merci infiniment pour ton message ! Pour les transports en commun, ça me gêne vraiment de devoir me légitimer, expliquer, devant tout le monde, pourquoi j'aimerais avoir la place de qqn, ou pourquoi je préfèrerais que la personne qui me demande ma place la demande à une autre (même si je ne m'adresse qu'à une personne tous les gens autour entendent ^^)… Et puis, j'ai l'impression que s'ils me voient toute souriante, gaie, ils vont se dire que je mens, que je n'ai pas besoin d'être assise, alors du coup, j'aurais plutôt tendance à me forcer à faire triste mine, à accentuer mon mal-être pour paraître crédible… C'est nul hein ? Ce serait tellement plus simple avec une carte à présenter, sans besoin de se justifier…
bonjour petite tomate cabossée,
ne pas se sentir comme les autres, de part son physique, son intellect, un handicap ou autre, ajoute à la douleur… que personne d'autre que toi ne peut saisir. Les gens se sentent impuissants et finissent par faire l'autruche.
A tout hasard, as-tu vu un psychologue qui traite par l'hypnose ? Attention, un dont les compétences sont reconnues par un diplôme ! L'origine de nos maux, physiques ou moral, est parfois bien enfoui dans notre inconscient.
Je ne peux que t'envoyer mes pensées de soutien.
Non, je n'ai pas vu d'hypnotiseur, mais j'y songe ; c'est une possibilité qui est justement revenue sur le devant de la scène il y a peu, en repensant au fait qu'il y a quelques années, j'avais failli tester des séances d'hypnose, pratiquées par une naturopathe. Je n'y étais finalement pas allée car la naturopathe venait de s'installer(elle était peut-être très compétente mais bon, des fois on juge vite quand on a des craintes – l'hypnose me fait un peu peur) et qu'en même temps, j'avais croisé sur mon chemin une autre naturopathe lors d'une conférence, et du coup, c'est cette dernière que j'étais allée voir. Mais elle ne pratiquait pas l'hypnose. Maintenant, je me dis que si je croise sur mon chemin quelqu'un de fiable qui pratique l'hypnose, je ne serai pas contre… sauf que j'en ai vraiment marre de débourser des fortunes depuis des années pour aucun résultat… :/ Donc il faudrait vraiment que j'ai confiance, que je sente quelque chose qui me fasse dire : vas-y, tente ! L'idéal serait de trouver quelqu'un qui accepterait de tenter de me soigner gratuitement, et que je ne payerai qu'après coup, que s'il y a des effets ! ^^ Sinon, je pourrais toujours faire de la pub à cette personne en échange de ces soins 😉
pourquoi pas… dans le genre échange de services comme dans les SELS ! En tout les cas j'ai connu une jeune fille que nous avions orienté pour une séance d'hypnose pour une énurésie qui durait… ça a fonctionné.
Surtout, ne perd pas ta joie, c'est un très bon remède.
… Tu viens de m'apprendre un mot : énurésie ! ^^ (En fait, après avoir été chercher la définition, ça m'a fait tilt, donc je pense que je connaissais déjà le mot, juste je ne m'en rappelais plus ^^). Et non, je vais essayer de ne pas perdre ma joie de vivre, et de continuer à m'émerveiller des petits riens qui ponctuent le quotidien comme j'aime à le faire, promis ! 🙂
Je suis tout à fait d'accord avec toi, c'est une position assez inconfortable. Une fois, alors que j'ai refusé de céder ma place car j'étais vraiment trop mal, j'ai même eu droit à une réflexion d'une dame "Vous êtes trop malade pour vous lever, mais pas pour lire" (en effet, j'avais un livre à la main). Cela m'a beaucoup blessé sur le coup et fait me remettre en question, mais je crois que cela tenais plutôt à une incompréhension. En effet, ce n'est pas parce qu'on est jeune que l'on a pas de soucis de santé… Pour pallier cela, peut-être peut-tu demander à ton médecin de te faire un certificat médical que tu pourra montrer dans ces cas-là (certes, la valeur est moindre, mais ça fait "sérieux")? TOutes mes pensées, bonne semaine.
Oh sérieux ?!? Les gens abusent parfois, ils ne se rendent pas compte de ce qu'ils disent et de la portée de leurs paroles… Ce n'est pas parce que tu n'es pas bien que tu ne peux pas lire ! N'importe quoi… Merci beaucoup pour ton partage d'expérience et ton soutien en tout cas 🙂
Bonjour,
as-tu essayé le jeûne ?
L' alimentation vivante ?
L' argile ?
Va voir, si tu ne connais pas, le site Régénérescence.
Je te souhaite le meilleur.
Gros bisou.
Bonjour,
Étant moi même dans l'errance médicale depuis des années …je compatis . Tiens bon . Essaie d'aller dans un service de médecine interne à l’hôpital . Au moins ils cherchent.J'espère toujours que l'on mette enfin un nom sur "ma maladie" qui m’empoisonne l’existence . J'ai quand même eu la carte "station debout pénible" .Mais je ne m'en sert que très rarement . Les regard des gens sur le handicap invisible est insupportable. Courage 🙂
Bonjour Caroline,
Non, je n'ai jamais essayé le jeûne, et je ne compte pas le faire. Je me suis renseignée sur le sujet, et je ne suis pas pour, en ce qui me concerne personnellement (mais je ne doute pas que le jeûne peut avoir des bienfaits pour certaines personnes). Je connais très bien le site Régénérescence. Merci pour ton message !
Oh, qu'est-ce que tu as ? Si tu as la carte pour station debout pénible, c'est que ton cas doit être bien plus important que le mien… Et, oui, ce n'est pas évident d'expliquer que tu as mal et que tu aimerais t'assoir, ou de montrer ta carte, alors que tu sembles "péter la forme" !
J'arrive sur votre blog suite à une recherche d'une recette…de crackers sans gluten que je vais tenter dès que possible !… et je lis votre article concernant vos douleurs. TOut semble correspondre à une fibromyalgie mais il me semble qu'à aucun moment vous en avez parlé (ou alors j'ai mal lu). Je suis atteinte de cette maladie et je pense comprendre vos douleurs… au cas où voici des infos : https://fibromyalgiesos.fr/rdv2/la-fibromyalgiesfc/definition/
Courage à vous !